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TASRIT - Tout sur le cinéma israélien !
4 octobre 2009

TU N'AIMERAS POINT, de Haim Tabakman (2009)


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Synopsis :

 

Aaron est un membre respecté de la communauté juive ultra-orthodoxe de Jérusalem. Marié à Rivka, il est le père dévoué de quatre enfants. Cette vie en apparence solide et structurée va être bouleversée le jour où Aaron rencontre Ezri. Emporté et ému par ce bel étudiant de 22 ans, il se détache tout doucement de sa famille et de la vie de la communauté. Bientôt la culpabilité et les pressions exercées par son entourage le rattrapent, le forçant à faire un choix...

 

Cinéma et mise en scène :

La principale différence entre le divertissement et l’art repose sur le fait que le premier a pour but de faire passer le temps plus vite alors que le deuxième tente de redonner au temps toute sa densité. En donnant de la valeur au temps, le cinéma permet de faire remonter en surface une conscience de ce qui se passe. J’aime cette façon de regarder la vie passer. Par exemple, dans la scène de la chambre froide où Aaron et Ezri s’embrassent pour la première fois, J’avais le sentiment qu’il fallait que le spectateur s’installe dans la durée pour éprouver l’inéluctable attirance mutuelle de ces deux êtres et dépasse un malaise premier. Cette séquence est importante car elle impose le tempo du reste du film. J’ai évité les champs-contrechamps pour permettre au regard d’être plus contemplatif, plus libre. Je pense à la scène où Aaron (Zohar Strauss) et Ezri (Ran Danker) se retrouvent seuls devant la boucherie. Un bus passe et dans un reflet on voit que, de l’autre trottoir, ils sont observés. Ce plan donne une idée assez précise de ce que c’est que vivre au sein de cette communauté, d’être surveillé en permanence.

 

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L’amour :

Parler d’amour peut être trompeur. L’amour est intangible, insaisissable. Je pense aussi que la croyance religieuse et l’amour sont intimement liés. Je pense que la possibilité de croire en Dieu et celle d’aimer viennent d’une même source. Quelqu’un qui ne croit pas en l’amour peut en parler comme d’une fantaisie ; de même, quelqu’un qui n’a jamais vécu le sentiment religieux peut penser qu’il s’agit d’une fable de l’esprit. Mes personnages éprouvent une véritable souffrance face à l’amour. Aaron, bien sûr, car il délaisse sa femme et s’en veut. Ezri, parce que les gens dont il tombe amoureux ne peuvent pas partager leur vie avec lui. Pour l’un comme pour l’autre, la relation avec Dieu a commencé quand ils étaient très jeunes. C’est là que l’amour et la croyance se retrouvent : ils sont dans une relation à très long terme avec Dieu et il se passe exactement la même chose que dans n’importe quelle relation. Après un certain temps, il peut naître beaucoup d’amertume, de frustration.

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La femme, le mariage :

Dans la communauté juive, la femme a un rôle central. Je dirais même que c’est le plus important. Aucun homme n’est complet sans une femme. Le judaïsme est déterminé par la femme : si la mère est juive, indépendamment du père, l’enfant sera lui aussi juif. Dans le film, j’essaye de montrer qu’Aaron et Rivka (Tinkerbelle) sont unis pour la vie. Ils sont conscients des concessions qu’ils réalisent et de la souffrance qu’ils éprouvent. Par ailleurs, il est important de comprendre que l’amour entre Aaron et sa femme est d’une nature différente de celui qu’il éprouve pour Ezri. C’est avant tout un engagement sentimental très profond, éternel. Il n’y a pas de gagnant et de perdant dans cette histoire. Ils perdent tous les deux, mais de façon différente.

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L’homosexualité :

Avoir des relations sexuelles avec une personne du même sexe, c’est une chose. Mais dans le monde orthodoxe, il faut savoir que l’homosexualité « n’existe pas ». Elle n’est pas reconnue comme étant une possibilité. Tu n’aimeras point est donc en quelque sorte un film de science-fiction. Une aventure sexuelle peut être pardonnée. Il est possible de revenir en arrière, de se repentir. Dans le Talmud il est écrit que les fils d’Israël ne sont pas soupçonnés de dormir avec d’autres hommes. On peut faire des choses un peu folles, victime d’un trouble psychologique temporaire ou parce que des « forces du mal » ont envahi l’esprit, mais cela ne fait pas partie de l’essence de l’homme tel que le judaïsme le conçoit. Il n’y a pas de discussion possible. Il n’y a pas de place pour ce type d’orientation sexuelle, point.

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La viande, la chair, le corps :

Le rôle du boucher est de rendre quelque chose d’impur – la viande – sacré. C’est un homme dont le métier est de traiter avec la chair. La façon dont il coupe la viande est assez violente, et c’est assez proche de la façon dont il coupe ses propres sentiments et désirs. Le problème vient du fait que la religion ne reconnaît pas les besoins de la chair. Petit à petit, Aaron devient incapable de gérer son rapport à la chair. La scène qui représente le mieux cette idée est celle où l’on voit Aaron et Ezri porter ensemble le demi boeuf. La viande est trop lourde pour être portée par un seul. Ils vont la porter ensemble, mais juste un moment, le temps de la mettre dans la chambre froide. C’est une option qui n’est pas une option, le conflit est trop lourd.

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Religion, communauté et ségrégation :

C’est très paradoxal. D’une part, la communauté est une sorte d’acteur collectif qui a un regard sévère et constant sur les autres. D’autre part, toute la force de cette société repose sur le sentiment de pureté, de solidarité et sur la possibilité de rester à l’abri des excès du monde moderne. Par moments, Aaron persiste dans sa voie, ferme les yeux et ne veut pas accepter les avertissements de la communauté. Il poursuit son désir presque comme un autiste. Il ne réfléchit pas, il laisse les choses se passer… A la fin du récit, on retrouve le conflit qui hante tout le film. On pourrait penser qu’il est plus libre. Mais en même temps, il se retrouve d’autant plus prisonnier de la société dans laquelle il vit. Souvent dans la vie on se retrouve coincés entre deux choses qui sont très importantes pour nous et il est difficile de choisir. Je crois que dans une société qui essaye de comprendre et d’aider tout le monde, il y a toujours une victime. Je n’aime pas les films qui donnent des réponses. J’essaye plutôt de poser des questions.

 

Né en 1975, Haim Tabakman, a fait ses études à l’Université de Tel-Aviv dans le département Cinéma et Télévision. En 2003, son premier court métrage, Free Loaders, est sélectionné au Festival de Cannes (Cinéfondation), et aux festivals de Karlovi Vary et de Montpellier. En 2004, le court-métrage The Poet’s Home est de nouveau sélectionné parmi les films de la Cinéfondation au Festival de Cannes. Haim Tabakman a été aussi le monteur de plusieurs films, dont My father, my Lord de David Volach. Tu n’aimeras point (Eyes wide open), sélectionné au dernier Festival de Cannes dans la section « Un Certain Regard », est son premier long-métrage. Il a obtenu le Prix du public du festival Shalom Europa 2009- Festival du Film Israélien de Strasbourg, et l’acteur israélien Zohar Strauss (qui interprète le rôle d’Aaron) à reçu le prix d'interprétation masculine au dernier Festival International du film de Jérusalem 2009.


Tu n'aimeras point, de Haim Tabakman, sorti en France le 2 septembre 2009.

Sandrine Ben David

 

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